Pleureuses

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Samuel Bianchini, Pleureuses, 2016.

La Crypte de d’Orsay est actuellement le théâtre d’étranges manifestations : des Pleureuses, sur trois grands verres, apparaissent au public depuis le 17 novembre dernier. Elles font écho à cette “profession“ dont les origines remontent à l’Antiquité et que, ici et là dans le monde, quelques femmes perpétuent en pleurant pour celles ou ceux qui n’en ont pas ou plus le goût. Accrochés au plafond du soubassement d’une chapelle sépulcrale devenue espace d’exposition, des gouteurs de verre, littéralement, pleurent sur les plaques transparentes et inclinées que l’artiste Samuel Bianchini a préparées en collaboration avec le chercheur Pascal Viel du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux énergies alternatives). Les surfaces, au-delà des dessins, sont “hydrophobiques“. C’est ainsi que les spectateurs, au prix de quelques contorsions, y lisent les silhouettes de celles qui pleurent sur commande là où l’artiste l’a prédéterminé. Leur présence, à toutes les trois, est des plus incertaine puisque l’énergie que se transmettent les gouttes de leurs formes les fragilise en constance. Jusqu’à l’augmentation de la flaque immobile que contiennent les composantes horizontales des œuvres. Les Pleureuses peuvent ainsi être qualifiées d’œuvres cinétiques dans la mesure où elles sont sans cesse animées de micromouvements. Ce sont aussi les spectateurs qui, dans leurs déplacements, les font apparaître selon les lumières en les extirpant de l’invisible. Quant à la “profession” qu’elles évoquent, elle nous dit l’extrême diversité de nos gestions des émotions selon les temps, dans l’histoire, comme les lieux, en ce monde qui serait moins global qu’il n’y paraît. A moins que l’on considère notre capacité à toutes et tous ou presque, et depuis si longtemps, à simuler nos tristesses et nos joies. Aujourd’hui peut-être plus encore que jamais à l’observation de nos vies théâtralisées sur les réseaux sociaux de l’Internet. Là précisément d’où proviennent les silhouettes de celles qui pleurent à Orsay pour le plus grand bonheur des visiteurs.

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