Art of Failure, “Corpus – Maison du Peuple de Jean Prouvé”, 2012.
Chaque année, le Festival Némo d’Arcadi investit de nouveaux lieux en Île-de-France. Sa quinzième édition induisant notamment la diffusion de performances ou installations ayant bénéficié de l’Aide à la Création Multimédia Expérimentale offre aussi la possibilité de découvrir l’étrangeté d’un espace intérieur : celui de la Maison du Peuple de Clichy. Le premier étage de ce bâtiment, datant du milieu des années trente, a été confié à Nicolas Maigret et Nicolas Montgermont. Et c’est sa structure métallique qui, au-delà de ses qualités architecturales, a décidé les artistes du duo Art of Failure. Car ces derniers, depuis 2006, investissent bâtiments et sculptures pour les mettre en résonance au travers de leurs structures métalliques. Le projet s’intitule “Corpus” et est accompagné par Ars Longa. A chaque étape de travail, Jeremy Gravayat capte des images de cette série d’architectures résonnantes. Au rez-de-chaussée de la Maison du Peuple de Clichy, c’est ainsi par l’image comme par le son que le public du festival francilien découvre quelques-unes des performances soniques antérieures données par duo parisien. La lenteur des mouvements de la caméra, dans l’image vidéo, souligne la puissance des fréquences sonores faisant résonner l’intégralité des structures. Qu’elles soient industrielles ou sculpturales, elles sont ainsi converties en autant d’instruments d’une musique de vibrations étirées. Quant au premier étage, il est transformé en une vaste caisse de résonnance que les spectateurs pénètrent en petits groupes. Les artistes y ont disposé, pour ne pas dire dissimulé, les haut-parleurs diffusant des séries de basses fréquences. Chaque râle “exprimé” semble venir des tréfonds de la terre. Il n’y a pas un centimètre carré qui échappe aux frémissements se succédant jusque dans nos chairs. Chaque fréquence nous apparaît comme pouvant être la dernière. Quand, lentement, une autre lui succède. Et nos états de conscience, petit à petit, sont affectés. Alors on se déplace, les yeux hagards, dans ce corps métallique frémissant. Il en est même qui touchent les parois du plat de la main, comme pour vérifier l’improbable. De l’extérieur, les souffles de la bête sont à peine perceptibles car l’artistique défaillance est masquée par d’autres vibrations, celles du réel de la ville, du métro sous nos pieds que dorénavant nous écouterons autrement. La pratique de l’art sonore consistant aussi à nous faire écouter les bruits du monde quand d’autres ne font que les entendre.