Wade Guyton, détail, galerie Chantal Crousel, 2014.
Chantal Crousel vient tout juste d’inaugurer l’exposition qu’elle consacre à Wade Guyton comme elle l’avait déjà fait en 2008. Le sol de la galerie parisienne a été repeint en noir afin, selon l’artiste, d’évoquer le contexte de l’origine de ses œuvres abstraites, dans son atelier. Les noirs sont tout aussi profonds que ceux d’Ad Reinhardt et il y a un sens, presque un geste, évoquant les peintures de Pierre Soulages. “Presque”, parce que les monochromes de Wade Guyton sont issus de procédés d’impression mécaniques. C’est le même rectangle de pixels noirs qui est imprimé et parfois réimprimé. L’évolution de la ligne-produit d’un fabricant d’imprimantes décidant des largeurs des toiles que l’artiste passe et repasse, en les pliant, d’où l’omniprésence d’une rayure verticale blanche, au centre, qui participe de la signature de l’artiste. Cette série d’œuvre, dit-on, est née d’un manque chez un fournisseur de toile pour traceurs. L’encre ayant été diversement acceptée par le support. Les peintures mécaniques qui sont accrochées aux murs de la galerie parisienne nous disent les histoires des accidents que l’artiste a eu la sagesse d’accepter. Ici les traces des rouleaux d’entraînement dans une accumulation d’encre, là des buses sont obstruées… L’artiste américain utilise des machines de haute précision pour n’apprécier que leur imprécision. Dédiées à la reproduction des images, jamais dans son atelier elles ne produisent deux fois les mêmes stries ou aplats. C’est par conséquent à Jackson Pollock qu’il faut se référer, à ses accidents sous contrôle, à ses gestes répétés sans redondances. Wade Guyton est un artiste de l’après numérique qui réactive la pratique du monochrome à l’ère de sa non reproductibilité.