Peter Campus, Barn at North Fork, 2010. Courtesy de l’artiste
et de la Cristin Tierney Gallery © Peter Campus 2017.
Peter Campus compte parmi les incontournables pionniers des pratiques vidéo de l’art contemporain. C’est un artiste de la performance qui, pourtant, n’a jamais véritablement performé en public. Car c’est aux spectatrices et/ou spectateurs qu’il délègue la participation au sein de situations préalablement définies dans les plus extrêmes détails. C’est, littéralement, eux qu’il expose quand ils achèvent de leur présence comme de leurs jeux ses œuvres de circuits fermés que l’on qualifierait aujourd’hui d’interactives. Les dispositifs des années soixante-dix que Peter Campus présente actuellement au premier étage du Jeu de Paume sont aussi rares que les expériences qui nous sont ainsi proposées. Celles-ci opèrent comme autant d’énigmes questionnant notre perception propre. Pénétrer dans les champs délimités de ces œuvres revient à entrer dans l’image. C’est alors que nous cherchons inévitablement la ou les caméras que jamais l’artiste ne nous dissimule. Quand nous jouissons des “pièges” que ce dernier, pourtant, et avec beaucoup de bienveillance, nous a dressé dans l’usage de quelques miroirs ou de rares ralentis. Jamais nous ne savons réellement ni où ni quand nous sommes en cette société du temps réel ou immédiat. Nul ne sera surpris en apprenant que Bill Viola, dans les années soixante-dix, a été l’assistant de Peter Campus. Alors que ce dernier, en conférence au Jeu de Paume, reconnaît humblement l’influence de ses dispositifs sur les générations de celles et ceux qui n’ont cessé, par l’interaction, d’éprouver les corps dans l’espace muséal.
L’exposition se poursuit avec les documentations vidéographiques de performances dont l’étrangeté n’a rien perdu avec les années. Et puis il y a quelques photographies dont on remarquera qu’elles sont sombres, et ce, à de multiples égards. Sans omettre les quelques travaux numériques se référant tant à la peinture, par la touche, qu’au jeu vidéo, dans l’incertitude. Notons enfin l’extrême qualité des ouvrages qui accompagnent et poursuivent l’expérience de cette exposition dont la curatrice n’est autre que la théoricienne de l’art Anne-Marie Duguet. Car le coffret qu’elle publie à cette occasion rassemble le catalogue de l’exposition du Jeu de Paume, la réédition du catalogue historique d’une exposition de Peter Campus datant de 1974 et le septième opus des éditions Anarchive que l’on s’appropriera avec une tablette ou un smartphone. Car les documents d’une base de données, aux contours sans limites puisque volontairement inachevés, n’attendent que d’y être activés au travers d’une application de réalité augmentée téléchargeable. Où quand les expériences initiées au sein du lieu même de l’espace muséal se poursuivent ailleurs et autrement comme c’est déjà le cas au travers de la rubrique “Création en ligne” du site Internet du Jeu de Paume.
Article rédigé pour artpress.