Au Salon de Montrouge

15_05_21

Julien Borrel, La Vaisselle, 2013.

Le Salon de Montrouge, avec ces soixante artistes émergents, compte parmi les temps fort de l’année en terme d’art contemporain. Placé sous la responsabilité artistique de Stéphane Corréard depuis 2011, l’événement a été initié en 1955. L’usage des transistors se généralisant, les ordinateurs devenaient alors “plus fiables”. Mais le monde a changé et ce qui compte aujourd’hui bien plus que les machines, ce sont les data, en économie comme en art. Or cette année, la scénographie du salon s’articule autour d’un centre intitulé “Aftermath” et regroupant les artistes lauréats des Bourses Ekimetrics, une entreprise spécialisée dans le traitement des données. Deux curateurs, Emilie Bouzige, et Alexis Jakubowicz connu pour son travail mêlant art et information au sein de Non Printing Character, y présentent les œuvres d’un duo et de quatre artistes dont Julien Borrel. Ce dernier est notamment l’auteur d’une séquence vidéo intitulée “La Vaisselle” où la manipulation, face caméra, d’assiettes et de verres permet, par l’absurde, d’évoquer la numérisation du monde jusque dans notre quotidien. Cette séquence, évidemment numérique, n’est pas sans rappeler l’énumération, toujours face caméra, que fait Martha Rosler en 1975 dans “Semiotics of the Kitchen”. Car les artistes, à l’ère de l’autodiffusion, n’en ont pas fini avec l’autofilmage. Le ton, dans les deux séquences, est extrêmement sérieux. Ce qui a pour effet d’amplifier la part d’absurde de ces deux œuvres participant d’une forme de poésie du banal. Ajoutons, concernant l’œuvre de Julien Borrel, qu’elle se situe aussi à la croisée des arts et des sciences, un corpus d’une richesse absolue pour les artistes dont les questionnements portent sur le temps présent.

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Surface Proxy

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Clement Valla, Saint Barbara, 2015, Courtesy Xpo Gallery.

« Le baroque, nous dit Gilles Deleuze dans Le Pli publié en 1988 aux éditions de Minuit (p. 164), se reconnaît d’abord au modèle textile tel que le suggère la matière vêtue : il faut déjà que le tissu, le vêtement, libère ses propres plis de leur habituelle subordination au corps fini ». Or, c’est précisément d’une forme d’émancipation des textures, par les tissus comme par les plis, dont il est question dans l’exposition résolument baroque Surface Proxy de Clement Valla à la XPO. Car l’artiste a littéralement dissocié les reconstitutions de fragments architecturaux de leurs textures originelles. Pour qu’enfin, amplement, les textures soient repliées sur les corps sans peau de ces mêmes fragments provenant de divers monuments historiques français. Mais c’est aux Etats-Unis, où il réside, que Clement Valla en a pris les mesures par la photographie au sein de quelques collections muséales permanentes pour en recréer les modèles en trois dimensions. Avec la multitude d’images qu’il a capturée, il a aussi généré des textures qui, dépliées, nous livrent leurs plis en devenir. Equipé d’épingles, comme le sont les stylistes, c’est à Paris, capitale de la mode, qu’il a habillé ses modèles d’un autre temps. Les textures, dans les machines, sont généralement dissociées des modèles qu’elles finissent toujours par plaquer. Mais il n’y a définitivement rien de virtuel dans ce qui nous est présenté rue Notre Dame de Nazareth. Ou quand les technologies du virtuel sont au service d’une forme de dématérialisation, ailleurs et autrement, d’un monde que l’on se doit d’envisager “sous toutes ses coutures” et selon toutes ses dimensions, sans omettre ses diversités.

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Occur

15_04_14

Quentin Destieu, Sylvain Huguet, La Refonte, 2014.

Dans sa galerie dont la surface de 22,48 m2 est connue de tous, Rosario Caltabiano vient d’inaugurer l’exposition Occur. Cette carte blanche offerte au collectif Otto-Prod basé à Marseille regroupe les œuvres de sept artistes dont celle intitulée La Refonte de 2014, une inquiétante proposition du duo Dardex que forment Quentin Destieu et Sylvain Huguet qui sont aussi les organisateurs du festival Gamerz d’Aix-en-Provence. Une proposition inquiétante à plusieurs égards puisqu’on identifie instantanément des armes blanches dont la finition serait celle d’un autre âge. Mais de quoi s’agit-il exactement ? La connaissance de la composition de ces quelques haches, couteaux entre autres pointes de flèche nous donne quelques éléments de réponse qui augmentent l’aspect inquiétant de la proposition artistique reliant l’âge de bronze à l’ère électronique. Car l’alliage, avant “refonte”, est issu des déchets électroniques que nous produisons en grande quantité. Faudrait-il, au travers de cet acte résolument symbolique, redouter l’amnésie des humains en recherche inconsciente de la part primitive qui tous nous habite ? Quand des théoriciens du monde entier s’interrogent sur l’anthropocène, l’époque géologique désignant notre action sur la biosphère qui aurait commencé avec les premières machines à vapeur. Mais les dardex ont un autre projet allant plus loin encore dans la représentation de l’après d’un possible chaos. Un projet plus récent car datant de 2015 et intitulé Gold Revolution en référence à la Digital Revolution que nous n’avons pas fini de célébrer. L’œuvre, portée par un désir de rematérialisation du monde, se présente sous la forme d’un mini laboratoire dédié à la récupération de la part d’or de nos déchets informatiques, loin, si loin, de l’apparente immatérialité du cloud !

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Home Cinema

15_03_27

Bertrand Planes Blue Screens, 2015 – Julien Maire, Formal Fiction, 2014 –
Emilie Brout & Maxime Marion, Hold-On, 2012-2013 – Laure Milena & Raphaël Elig, Memory, 2013.

La Maison des Arts de Créteil vient tout juste d’inaugurer l’exposition Home Cinema du festival Exit qui se terminera le 5 avril prochain. Le public, à l’entrée de la MAC, est accueilli par l’installation multi écrans Blue Screens conçue par Bertrand Planes. Par son titre, elle évoque autant l’écran de démarrage de Windows lorsque l’application nous suggère quelques solutions, que le domaine des effets visuels des truquistes qui pratiquent l’incrustation. La mosaïque de ciels, elle, nous renvoie à l’enfance. A la nôtre, quand nous cherchions à décrypter des représentations dans les nuages transportés par les vents. A celle des cultures numériques que les premières générations de PC, entre autres consoles, ont démocratisé dans les années 80. Car aux nuages captés par Bertrand Plane, la machine associe les signes d’une histoire écrite par des ingénieurs comme par des artistes.

Dans l’exposition du festival Exit, il est essentiellement question de cinémas dont la pluralité se conjugue avec les technologies émergentes. L’installation Formal Fiction de Julien Maire nous renvoie aux prémices animées d’un cinéma qui, plus tard, allait se découvrir une troisième dimension. Une boucle vidéo projetée représente un travailleur dont les gestes auraient été capturés avant d’être prototypés. Car ce sont bien de minuscules figurines qui, les unes après les autres, défilent dans un projecteur semblable à ceux qui nous servaient hier à projeter des diapositives Kodachrome.

Ce sont donc des allers-retours que nous propose Charles Carcopino, le curator de l’exposition Home Cinema. Sans omettre les formes amateurs de cinémas faits ou projetés “à la maison” comme c’est le cas avec Memory de Laure Milena et Raphaël Elig. Ensemble, ils ont collecté les souvenirs d’autrui pour les assembler au sein d’un dispositif proposant aux spectateurs de les éditer ou de les flouter, entre autres effets. Car les souvenirs, dans notre mémoire, lentement s’altèrent. La chronologie des actions passées évolue alors que le flou peuple nos rêves où la couleur a disparu.

Citons enfin, parmi la multitude de propositions mêlant les cinémas d’hier et l’art contemporain, celle du duo composé d’Emilie Brout et Maxime Marion : Hold-On. Leur installation nous rappelle que c’est l’industrie du jeu vidéo qui s’est accaparé l’interactivité, tant celle qui consiste à choisir les caméras que celle agissant sur la narration. Car nous jouissons enfin de la possibilité de contrôler des films d’auteur avec, seulement, une manette de jeu et quelques rares boutons. La frénésie inhérente aux enchaînements propres au jeu vidéo associés à l’esthétique de grands réalisateurs offre une expérience unique. Car il est une fois encore des œuvres qui se vivent plutôt qu’elles ne s’analysent. Il ne reste très précisément que neuf jours pour se rendre à Créteil !

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Les oracles

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Katie Torn, Breathe Deep, 2014.

Il y a actuellement à la XPO Gallery une exposition intitulée “Les Oracles” dont le commissaire est l‘artiste new yorkaise Marisa Olson. « Ce que je fais est moins de l’art “sur” Internet que de l’art “après” Internet. C’est le fruit de mes navigations et téléchargements compulsifs », dit-elle dès 2006 lors d’un entretien avec Lauren Cornell, actuellement curatrice au New Museum de New York. Et force est de reconnaître que tous les artistes, tous les curators du monde subissent ou acceptent l’influence d’un Internet qui structure notre relation à l’autre comme à soi-même. Parmi les dix femmes dont les travaux sont présentés dans la galerie parisienne de Philippe Riss, on remarque la série “Embedded files” (2014) de Caroline Delieutraz dont tout le monde sait qu’elle a joué « le rôle d’un bébé dans un film d’horreur à l’âge de deux ans ». Il s’agit de blocs de paraffine au sein desquels l’artiste française a préalablement encapsulé divers supports de données numériques. Or la paraffine, en milieu médical, sert aussi a préserver les échantillons de tissus humains dans l’attente de possibles recherches menées par les épidémiologistes du futur. On se met alors à imaginer les investigations d’archéologues des médias qui, dans un même futur, pourraient scruter les données protégées par l’artiste en quête de virus informatiques protégés par la paraffine. Le futur est un des concepts clés de cette exposition qui s’ouvre sur l’œuvre “There has been a miscalculation (flattened ammunition)” (2007) de Julieta Aranda qui partage son temps entre New York et Berlin. Son installation, des plus provocante, existe par la destruction de romans de science fiction. Car en effet, pourquoi préserver les écrits dont les prédictions se sont révélées inexactes si l’on considère la littérature telle une science exacte, ou “dure” une expression contemporaine de l’arrivée de l’informatique ? Mais revenons à l’usage de l’Internet dont l’artiste Jeanette Hayes nous dit en ligne : « The internet is mine ». Car ce qui est sur Internet est à nous tous, n’en déplaisent aux régulateurs dont Georges Orwell nous annonçait l’arrivée dans “1984”. Mais qu’est-ce qui, dans l’installation vidéo de “Breathe Deep” (2014) de Katie Torn a été récupéré dans la gigantesque corbeille mondiale  de l’Internet ? Et que nous dit la jeune femme qui est dans l’image d’un monde de profusion et dont seul le son se réfère au réel d’une nature recomposée comme dans le film américain d’anticipation “Soylent Green” (1973) de Richard Fleischer. Pour que 2022 ne soit pas 2022, allons visiter l’exposition “Les Oracles”.

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Olafur Eliasson : Contact

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Olafur Eliasson, Contact, 2014.

Il est des moments, dans une vie, où nous percevons d’infinies distensions entre ce qui est ou devrait être et ce que nous percevons. Mais ils sont aussi rares que furtifs et jamais nous ne parvenons à préserver ces états modifiés de conscience. Olafur Eliasson, avec ses installations actuellement à la Fondation Louis Vuitton, recrée artificiellement les conditions de ces possibles distensions propices à l’émerveillement. Il ne s’intéresse à l’espace qu’en le multipliant, voire parfois à le démultiplier. Interrogeant la gravité, il agit littéralement sur nos postures corporelles, se jouant des relations entre nos vertèbres que la pensée croit encore contrôler. Lorsqu’il ouvre des brèches supplémentaires dans l’architecture de Frank Gehry, il nous projette au plus près du derrière de nos globes oculaires en disjonctant nos cerveaux. Du temps, il extrait des instants qui jamais ne se reproduiront et sont, par conséquent, perdus à tout jamais. Ses matériaux de prédilection, allant du verre au miroir ou de l’ombre à la lumière, sont ceux de l’architecte, mais c’est pourtant d’une forme de pré-cinéma résolument expérimental dont il est question. De cette exposition intitulée “Contact” que l’on visite silencieusement, on sort dans l’état de celles ou ceux qui s’extraient de l’ailleurs au travers du langage, en se devant de partager. Bien que ce soit une exposition où il convient être, dans l’expérience, plus que d’y avoir été, dans l’analyse.

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Ad Nauseam

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Tania Mouraud, Ad Nauseam, 2012-2014.

Pénétrer dans la salles des expositions temporaires du MAC/VAL revient à affronter l’excès, jusqu’à en éprouver possiblement la nausée. Ad Nauseam, c’est le titre de l’installation vidéo de très grande taille de Tania Mouraud. Où l’on saisit dans l’instant de quelle destruction il retourne. Celle du savoir qui nous singularise au point parfois de nous désunir. Partout, dans l’espace de l’image, il y a des livres que l’on s’apprête à détruire. Des livres, de tous les genres, qu’une pince mécanique gigantesque saisit ici pour les “dégueuler” là. Partout, dans l’espace sonore, les “cris” des machines s’entremêlent pour créer une texture sans humanité aucune. Car les humains, dans ces séquences sans véritable narration, se situent en amont de l’action. Seul, dans le pire ou le meilleurs des cas, c’est selon, on peut s’asseoir au fond de la salle, de l’obscurité, sur des bancs dédiés à la méditation dans le vacarme. Quelques références historiques nous viennent alors inévitablement à l’esprit, de l’inquisition initiée par l’Église catholique romaine aux autodafés de 1933 que François Truffaut évoque si parfaitement dans Fahrenheit 451. Film dans lequel le pompier Montag porte le chiffre 451 sur son costume parce que c’est celui de la température de la combustion des livres, donc des idées, précisément 451 degrés Fahrenheit. D’où l’usage de lances flammes aux allures de lances à incendies. Plus récemment, ce sont des statues de Bouddha que l’on a détruit en les dynamitant en Afghanistan. Dans une démesure semblable à celle de l’installation audiovisuelle de Tania Mouraud. Mais ne sommes-nous pas, aujourd’hui, en train de nous séparer de nos livres au profit de supports électroniques, au fur et à mesure que l’on rebâtit médiathèques nos bibliothèques d’antan ? Ne devrait-on pas apprendre chacun une page de Wikipédia comme nous le suggère l’artiste David Guez au travers de son projet Humanpedia ? Si tous les serveurs du monde venaient à s’éteindre, allons savoir pourquoi ou sur l’ordre de quel tyran, nous n’aurions plus qu’à nous réunir dans une forêt comme le font les hommes-livres du roman Farenheit 451 de Ray Bradbury.

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Prix Cube

14_11_11

Nonotak, Daydream V.2, 2013 – Nils Völker, Seventeen, 2013 – ::Vtol::, Post Code, 2013
– Lia Giraud, Immersion, 2014 – Stefan Tiefengraber, User Generated Server Destruction, 2013
– Theresa Schubert, Bodymetries, 2013 

La seconde édition du Prix Cube permettra de découvrir les pratiques émergentes de six artistes ou duos à l’Espace Saint-Sauveur d’Issy-les-Moulineaux du 26 au 30 novembre 2014. Les nominé(e)s ont moins de 36 ans et usent des médias ou technologies de leur temps pour nous proposer des lectures du monde comme de nos sociétés contemporaines. Leurs approches, à l’instar de celle du duo Nonotak formé par Noemi Schipfer et Takami Nakamoto, s’inscrivent dans la continuité d’une histoire de l’art qu’ils prolongent chacun à leur manière. Le calcul des machines participant grandement des jeux optiques que le duo obtient par le moirage, dans le plan comme par le rythme, dans l’espace et dans la durée concernant Daydream. De l’optique au cinétique, il n’y a qu’un pas que nous franchissons avec l’Allemand Nils Völker car le mouvement est au centre de ses œuvres aux multiples composantes gonflables. Ses structures, littéralement, respirent. Mais leur titre, ne donnant que le nombre des modules numériquement contrôlés par de l’air pulsé, les apparente davantage à des robots. C’est du reste précisément dans cet entre-deux mêlant le mécanique à l’organique que se situe l’installation luminocinétique “Seventeen”.

Le projet “Bodymetries” initié par Theresa Schubert symbolise parfaitement les relations qu’entretiennent l’art et la science au travers des technologies. Car l’artiste s’est associée au chercheur Andrew Adamatzky pour augmenter le corps humain d’une vie simulée. Et ce sont les grains de beauté, sur les bras des participants à l’expérience, qui déclenchent ce qui fait œuvre en simulant une forme de vie dépendante de la leur. Quant au vivant, dans le travail de Lia Giraud, il fait lien entre le film et les images que des micro-algues recréent. Après être passé brutalement de l’organisation, dans le plan, des sels d’argent à celle des pixels, nous vérifions que le vivant, asservi par la lumière, permet aussi de fixer temporairement des représentations du monde.

Avec “User Generated Server Destruction” de Stefan Tiefengraber se pose un dilemme : Doit-on activer l’œuvre en relâchant, au travers d’une interface connectée, les marteaux qui frappent le serveur hébergeant l’application en prenant le risque de la détruire ou se l’interdire pour protéger cette installation qui ne s’use que si l’on s’en sert ? Félicitons le courage de l’institution Cube présentant une pièce à détruire quand d’autres ne se préoccupent que de la conservation des valeurs extravagantes de l’inerte. Enfin, il est possible avec “Post Code”, de scanner n’importe quel produit provenant du supermarché. A condition qu’il soit étiqueté d’un code-barre que l’appareil artistique transforme en une image symbolisant l’erreur que seul l’art est à même de magnifier. Se faisant, le russe ::Vtol:: s’inscrit dans la continuité des pratiques du Pop Art et de Fluxus qu’il renouvelle avec le médium numérique.

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Mondes sensibles

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Olga Kisseleva, It’s time, 2012.

Le Temps compte parmi les problématiques essentielles que l’artiste Olga Kisseleva développe dans son exposition “Mondes sensibles” du Centre des Arts d’Enghien-les-Bains. Dès le hall d’accueil, il est question du temps qu’il faudrait aux humains pour réinventer génétiquement des espèces d’arbre afin qu’elles soient davantage adaptées aux changements climatiques que la planète subis et que nous nous contentons d’accélérer. Au rez-de-chaussée, il est aussi question du temps requis par les marques d’une industrie pétrolière pour se répartir les vastes territoires de l’Arctique. Mais il est aussi affaire de virtuel dans cette exposition, ou plus exactement du code informatique que l’artiste nous donne à voir. Colorisés diversement, les caractères qui représentent des virus nous disent la violence du combat, dans la machine, dont nous sommes une fois encore les spectateurs impuissants. Avec “Time Value” (2012), Olga Kisseleva dont la pensée a évolué au fil de ses déplacements d’Est en Ouest envisage la valeur du labeur en calculant le temps de travail qu’il faut fournir pour s’offrir un Big Mac. Celui-ci passant de quelques minutes à quelques heures en fonction de sa position géographique. Avec “Tweet Time” (2014), elle ralenti le temps, dans l’image, au fur et à mesure que nous nous plaignons d’en manquer sur Twitter. Car elle est à notre écoute, allant jusqu’à inventer une machine (It’s time, 2012) qui, captant les rythmes biologiques qui nous sont propres, prodigue des conseils personnalisés comme le font ceux qui nous sont chers. Et puis, il y a ce tissu rouge qui témoigne d’une performance passée et illustrant l’infini au regard de ce qui qualifie au mieux notre évolution au fil des siècles : l’art. Un tissu sans début ni fin avec lequel l’artiste se saisit du Centre d’Art pour nous englober, nous placer au centre de l’œuvre en nous confiant la responsabilité du Monde sur lequel nous pouvons ou plus plutôt devons agir avant qu’il ne soit trop tard. Considérant nos prises de conscience comme des composantes essentielles car permettant d’accomplir cette exposition résolument “inachevée” d’Olga Kisseleva.

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Digital Revolution

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James Bridle, Dronestagram, 2012-14.

Nous y sommes. Et vivons cette révolution digitale que quelques penseurs ou auteurs du vingtième siècle nous avaient annoncé, de Paul Valéry à Marshall McLuhan en passant par Georges Orwell ou Philip K. Dick. C’est un centre d’art qui nous le confirme, à Londres : le Barbican Center dont on sait l’appétit pour les pratiques artistiques émergentes. L’exposition s’intitule Digital Revolution et son commissaire se nomme Conrad Bodman. Ce dernier y assemble les marqueurs temporels d’une créativité exacerbée par le langage binaire où s’entremêlent ordinateurs et consoles vintage, jeux vidéo et making off, œuvres en ligne, interfaces graphiques, objets autonomes ou dispositifs participatifs de ces quarante dernières années. Un événement aussi médiatisé que controversé avec son off virtuel en ligne, Hack The Artworld, où l’on peut notamment lire une lettre adressée aux fondateurs de Google qui compte parmi les principaux partenaires. Les cultures numériques étant aujourd’hui l’affaire de tous, elles sont aux centres de bien des enjeux politiques. Et James Bridle de nous le confirmer avec son projet Dronestagram regroupant, sur Instagram, les images satellitaires de territoires ayant été les théâtres d’opérations militaires “distantes” engageant des drones en Afghanistan comme au Yemen. L’auteur a compilées les informations permettant de dévoiler ces attaques non officielles de drones américains en recoupant de multiples sources induisant celles du Bureau of Investigative Journalism. Car ce sont les mêmes technologies qui, d’un côté assurent la discrétion des dispositifs mis en place par les services de la CIA, et de l’autre nous permettent d’en révéler les actions au plus grand nombre. C’est en 2012 que James Bridle a initié ce projet visant à rendre visible ce qui, pourtant, ne l’est pas. La même année, il commençait aussi à travailler sur une autre création, Drone Shadows, en dessinant les contours grandeur nature de drones de combat à même les sols de nos villes. Sa façon de nous rappeler que nous vivons tous sous les ombres invisibles de tels appareils qui le sont tout autant.

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