CODEZ !

Antoine Chapon & Nicolas Gourault, Faces in the Mist, 2017.

La MAIF SOCIAL CLUB, régulièrement, renouvèle ses thématiques pour faire débat au travers d’expositions, performances, conférences, tables rondes ou ateliers. Depuis le 18 mai dernier et jusqu’au 2 août prochain, une injonction nous est donnée : CODEZ !. En nous promettant d’aller “à la découverte de l’inconnu”. Il y a, au tout début du catalogue de l’événement, une citation d’Arthur C. Clarke : « Toute technologie suffisamment développée se confond avec la magie ». Quand nombreux sont aujourd’hui les artistes à user des technologies de leur temps pour en révéler la part de magie. Antoine Conjard, le commissaire de l’exposition “Attention Intelligences !” en a réunie une dizaine pour autant d’œuvres à découvrir, décrypter ou expérimenter. Où l’on remarque l’installation “Faces in the Mist”(2017) d’Antoine Chapon et Nicolas Gourault. Elle se présente sous la forme d’une série de portraits de personnalités historiques qui ont pratiqué la prévision météorologie ou agi sur le climat et dont les visages sont masqués par des écrans. Les nuages défilant au-dessus des portraits sont scrutés en constance par une intelligence artificielle qui, ailleurs et autrement, s’évertuait à y détecter les visages. Inévitablement, elle en trouve, quand les succès de ses découvertes s’avèrent être des erreurs à nos yeux si l’on admet qu’aucun visage ne peuple nos nuages. Mais ce serait compter sans les conseils des maîtres anciens qui, comme Léonard de Vinci, conseillaient à leurs assistants d’exercer leur créativité en observant les nuages pour y déceler quelques présences ! L’un des portraits que le dispositif, parfois, croit reconnaître n’est autre que celui du mathématicien et physicien John Von Neumann. L’un des pères fondateurs de l’informatique moderne dont l’équipe scientifique réalisa la première prévision mathématique de la météo sur l’ordinateur ENIAC en 1950. L’architecture qui porte son nom est celle de l’essentielle des machines calculant actuellement les prévisions météorologiques que nos Smartphonessavent nous offrir au réveil.

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Caracas Reset

 

Yucef Merhi. Maximum Security – Hugo Chavez’ Emails, Hacking on Paper, 1998-2004.

Le monde de l’art est en recherche constante de nouveaux modes de diffusion des œuvres et pratiques ou idées. Or, la Colonie compte parmi ces nouveaux lieux parisiens où l’on expérimente des modèles opératoires d’un autre genre. Elle a été initiée par l’artiste contemporain français Kader Attia dont on peut voir actuellement le travail oscillant entre l’intime et le monumental sans omettre le politique au Mac Val de Vitry-sur-Seine. Sur le site de la Colonie, il y est pudiquement question de “projets”, comme celui dédié aux “Regards sur la création contemporaine vénézuélienne”. Intitulé CARACAS RESET, cet événement des 15, 16 et 17 mai regroupe des conférences ou tables rondes qui s’articulent autour d’une exposition. L’occasion, aussi, de boire un verre en échangeant avec des artistes ou curateurs dont Rolando J. Carmona, à l’origine du projet. L’exposition, qui commence au rez-de-chaussée avec de la documentation, se poursuit à l’étage avec des œuvres ou installations comme celle de Yucef Merhi qui vit et travaille à Miami. Intitulée ”Maximum Security”, elle a déjà fait couler beaucoup d’encre. Elle s’articule autour d’une correspondance. Car cet artiste vénézuélien a piraté la boîte mail d’Hugo Chavez en 1998 alors que celui-ci allait se présenter à l’élection présidentielle au Venezuela. Sans se faire repérer, l’artiste a patiemment archivé les échanges de celui qui allait plonger le pays dans une crise sans précédent. Les emails du président Chavez, il les a collectés, lus et relus, imprimés par milliers pour en recouvrir les murs de ses installations. Comme le ferait celle ou celui qui, dans le secret de son obsession, se prépare à l’action. Et l’action se répète au fil de ses installations visant à rendre public les méthodes de celui dont on sait maintenant les relations avec d’autres dictatures du monde. Quant à l’état économique du Venezuela, dans l’attente impatiente d’une amélioration qui se fait attendre, c’est un autre artiste qui nous en fait part. Il se nomme Beto Gutierrez et sa vidéo “La Huntada” (2015) met en scène une file d’hommes ordinaires se passant un stick de déodorant après s’en être servi. Ici, on pense à un rituel comme le monde de l’art sait les acclamer. Mais à Caracas, nous dit-on actuellement à la Colonie, il est bien des produits qui se font rares au point qu’on les loue pour des usages furtifs. Quand le manque induit le partage de celles et ceux qui n’ont d’autres choix que d’attendre les jours meilleurs qu’on leur avait tant promis.

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Artistes & Robots

Miguel Chevalier, Extra-Natures, 2018.

L’exposition Artistes & Robots considérant l’usage, en art, des machines et du code que les Galeries Nationales du Grand Palais présenteront du 5 avril au 9 juillet 2018 est particulière à bien des égards. Tout d’abord parce qu’elle est à l’initiative d’un artiste qui n’est autre que Miguel Chevalier qui a consacré, jusqu’ici, sa carrière au virtuel et aux interfaces. Ce dernier, comme conseiller artistique, a su s’entourer de l’historienne de l’art Laurence Bertrand Dorléac et du commissaire d’exposition Jérôme Neutres. Et c’est ensemble qu’ils ont conçu cet événement questionnant les relations qu’entretiennent les artistes aux robots de toute nature. L’exposition structurée en trois parties s’ouvre sur l’œuvre historique CYSP 1 de Nicolas Schöffer. Datant de 1956, elle est aujourd’hui considérée comme la toute première installation interactive de l’histoire de l’art puisqu’elle réagissait déjà aux variations de sons comme à celles de lumières ou couleurs. Il aura donc fallu une soixantaine d’années pour que des institutions comme le Grand Palais considèrent enfin les apports essentiels du médium numérique dans l’art contemporain. La première partie de l’exposition Artistes & Robots qui, à n’en pas douter fera date, rassemble des “machines à créer” où les artistes, ayant envisagé des situations en scénographiant leurs machines acceptent qu’elles créent en leur absence. Spectatrices et spectateurs parachevant ces mêmes installations performatives de leurs commentaires inattendus. Il est davantage question, avec la seconde partie de cette exposition dédiée aux “œuvres programmées”, des codes ou langages que des artistes-programmeurs, comme cet autre pionnier Manfred Mohr, écrivent pour que des machines les interprètent. Ou quand la computation fait art en calculant des œuvres qui s’inscrivent dans la continuité d’une histoire de l’art qu’elles n’ont de cesse de renouveler à l’ère du tout digital. L’intelligence artificielle, car elle ne pouvait être absente de cette exposition, est très largement évoquée au sein de la troisième partie d’Artistes & Robots. Aux côtés des incontournables Stelarc ou ORLAN, on remarque la présence d’une sculpture, Sans Titre (2016), de l’artiste Takashi Murakami dont on sait la reconnaissance au sein de la sphère de l’art contemporain à l’international. Ne serait-ce pas là la preuve par l’œuvre de l’intérêt que portent les grands artistes contemporains sur les grandes questions de leur temps. Notons enfin l’existence d’un catalogue poursuivant parfaitement l’expérience de l’exposition Artistes et Robots. Celui-ci ayant Visage en nuages de points (2017) de Catherine Ikam & Louis Fréri pour couverture. Il est conclu, en dernière de couverture, avec quelques questions dont « Un robot peut-il avoir de l’imagination ? ». A la réponse par la négative que pourraient encore donner aujourd’hui bien des chercheurs en intelligence artificielle, nous préférerons relire Philip K. Dick !

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Absynth

HeHe (Helen Evans & Heiko Hansen) avec Jean-Marc Chomaz, Absynth.
Son : Jean-Philippe Renoult & Dinah Bird, 2018. Production Bipolar.

Alors que la seconde édition de la Biennale Némo se termine, après six mois d’une intense activité, Gilles Alvarez, son directeur artistique, envisage déjà 2019. Trois événements, dont Absynth, ponctuent cette apothéose à la Villette. C’est dans le cadre du Festival 100 % que l’on découvre l’installation du duo HeHe accompagné pour l’occasion par l’artiste chercheur Jean-Marc Chomaz. Une forêt a été reconstituée à l’intérieur du WIP. La lumière verte qui la magnifie nous la rend tout aussi menaçante, presque suspecte, sa saturation quelque peu artificielle. Mais surtout, la pluie qui pourrait l’arroser semble la fuir en un mouvement évoquant une gravité inversée. Cette œuvre manifeste nous renvoie aux phénomènes climatiques que l’on pourrait qualifier d’industriels, allant des pluies acides aux nuages toxiques. Et l’on connaît l’attachement du duo aux nuages. Il y a une forme de poésie dans cette menace qui nous renverse en nous questionnant. Quand l’étrangeté du phénomène qui nous captive nous retient au sein de cette forêt d’intérieur que des savants nous promettent, ailleurs et autrement, aux confins de notre système solaire. Durant que les artistes attirent notre attention quant aux responsabilités qui sont ici-bas les nôtres. Mais n’est-ce pas la raison d’être des œuvres, entre science et société (intitulé du dispositif universitaire au sein duquel Absynth a émergé), que d’attirer notre attention bien au-delà de la plasticité sur les étranges phénomènes qui devraient nous alerter ? Ou quand les artistes et chercheurs se font lanceurs d’alertes.

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Sors de ce corps !

#SHAKE_ME, Frédéric Deslias, Cie Le Clair Obscure, avec Matthew Morris, 2017-2019.

Il y a, dans le cadre de la Biennale Némo, un festival qui émerge à La Gaîté Lyrique. Intitulé Sors de ce corps ! par ses initiateurs, Gilles Alvarez et Marc Dondey, il regroupe une conférence, un atelier et des installations ente autres spectacles, dont #SHAKE_ME. Mise en scène par Frédéric Deslias et interprétée par Matthew Morris, cette performance est inspirée de l’expérience que le psychologue social américain Stanley Milgram imagina au début des années soixante pour évaluer le niveau d’obéissance d’individus soumis à une autorité scientifique. Le contexte, La Gaîté Lyrique ce 3 février 2018, est tout autre puisqu’il est artistique et c’est le performeur lui-même qui invite les membres du public à lui infliger quelques décharges électriques. Mais c’est encore pour la “bonne cause” puisque les spectatrices et spectateurs n’agissent, par deux, que pour participer à la performance du corps dansant qu’ils contrôlent partiellement. On se prend inévitablement au jeu qui nous fait oublier les petites souffrances infligées. Après tout, nous y avons été invité ! Et c’est comme si le contexte artistique nous déchargeait de toute responsabilité, même si ce bouton d’arrêt d’urgence en évidence sur le devant de la scène, nous rappelle la possible dangerosité de cette expérience à haut potentiel défoulatoire que bien des psychologues ou psychanalystes pourraient analyser avec une égale délectation. Quand la torture d’individus par l’électricité, sous quelques prétextes militaires ou politiques que ce soit, nous renvoie aux périodes les plus sombres de certains Etats qui en ont reconnu l’usage dans le passé. D’autres expériences, à l’ère du contrôle des êtres ou objets qu’autorisent aujourd’hui les technologies numériques, sont à venir jusqu’au 11 février 2018 à La Gaîté Lyrique.

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Etre l’autre

BeAnotherLab, The Machine to be Another, 2012-2018.

Il y a actuellement au Centquatre une machine pour être l’autre. Ce dispositif performatif compte parmi les installations de l’exposition Les faits du Hasard de la Biennale Némo. S’il est des live changing experiences, celle que le collectif BeAnotherLab basé à Barcelone nous propose en est une saisissante. Elle consiste à quitter son enveloppe corporelle pour s’inviter chez un autre. Quand cet autre que l’on connaît déjà, ou que l’on vient de rencontrer à cette occasion, vit une expérience similaire grâce aux technologies open sources. C’est donc d’empathie dont il s’agit. De cette qualité essentielle qui, parfois, nous fait défaut. En cette société de l’impatience extrême, l’expérience ralentit nos mouvements afin qu’ils fusionnent avec ceux de cet autre que nous habitons. Il convient, pour vivre au mieux ce moment qui inévitablement nous déstabilise, de lâcher prise. Une musique nous y incite. Un dispositif de ce type, dans les années 90, avait déjà fait le tour du monde. Conçu par le japonais Kazuhiko Hachiya et intitulé Inter Dis-Communication Machine, il induisait que l’on se retrouve par la voix au travers du regard (vidéo) de l’autre. Avec BeAnotherLab, l’expérience est davantage scénarisée car il y a des “tâches” à accomplir. Chacune d’entre elles sont destinées à la fusion d’un esprit et d’un corps qui, jamais, ne se sont fréquentés à ce point. Peut-être faudrait-il se rappeler de ce temps passé au plus près de cet autre, au sein de ce corps étranger que souvent nous préférons ignorer !

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Les faits du hasard

Disnovation, Predictive Art Bot, 2017 – Quentin Euverte et Florimond Dupont, Buzz Aldrin Syndrome, 2017 – Cyril Leclerc et Elizabeth Saint-Jalmes, Pixel Lent, 2016 – Fabien Leaustic, Ruines, 2015-2017 – Juan et Santiago Cortès, Tierra (Paisajes Magnéticos), 2013 – Linda Sanchez, 11 752 mètres et des poussières, 2014.

A l’ère où, nous dit-on, il est des intelligences artificielles qui peignent comme les anciens, un robot actuellement au Centquatre pense comme les modernes. Entendons qu’il fait manifeste, de jour comme de nuit et sans cesse se renouvelant, il conçoit des œuvres que vraisemblablement jamais personne ne réalisera. Le Predictive Art Bot conçu, ou plus précisément codé par les deux artistes du duo Disnovation, compte parmi les installations que présentent les curateurs Gilles Alvarez et José-Manuel Gonçalvès au sein de l’exposition Les faits du hasard. Quand les titres ou descriptions textuelles des œuvres sans devenir dont il s’agit puisent les mots qui, se combinant font concept, sur Twitter. Car les installations artistiques de cette exposition qui prendra fin le 4 mars 2018 se génèrent dans la durée qui est celle des spectatrices et spectateurs à l’instar des Ruines que Fabien Leaustic alimente quotidiennement. Afin que leurs teintes vertes soient plus saturées encore que celles des micro-algues qui recouvrent nos marécages. Nul ne sait, une fois encore, l’allure que prendront les monolithes de l’atelier D du Centquatre. L’autonomie, celle-là même des installations mêlant les intentions des machines aux processus du vivant, nous apparaît ici comme l’une des composantes essentielles de cette exposition de la Biennale Némo.

Puis, il y a les fictions qui se construisent au fil des heures, minutes, secondes. A commencer par cet assemblage de jarres, bouteilles ou bocaux qui, sous la forme d’électricité, sont soumis aux sons de musiques des films de science-fiction nous ayant transporté sur les surfaces de quelques planètes fantastiques. L’électrolyse se chargent d’en recréer des approximations au sein des récipients de l’installation Buzz Aldrin Syndrome de Quentin Euverte et Florimond Dupont. Le processus est scientifique alors que le titre nous renvoie à celui qui, notamment, donna son nom à un cratère du sol lunaire. Les loupes qui surplombent les dispositifs de la série Tierra (Paisajes Magnéticos) des deux artistes colombiens Juan et Santiago Cortès accroît l’aspect scientifique de leur installation. Mais elles nous permettent aussi de nous projeter sur les sols de quelques autres planètes dont les magnétismes extrêmes nous interdiraient la visite. Nous le comprenons au hasard de notre déambulation, ces œuvres se livrent afin que nous nous y projetions comme pour en prolonger les histoires qui se génèrent d’elles-mêmes ou presque.

On en oublieraient les artistes qui, comme Cyril Leclerc et Elizabeth Saint-Jalmes délèguent à des escargots performants pendant les cinq heures de l’inauguration des Faits du hasard. Les ayant préalablement équipé de diodes électroluminescentes, ils leur permettent non seulement d’illuminer la pièce de leur monstration, mais aussi de contrôler les sons de leur environnement. Quand nous voulons continuer d’ignorer la réalité technologique du processus inhérent la création musicale de cette performance intitulée Pixel Lent. La lenteur étant au rendez-vous de cette seconde Biennale Némo, comme pour ralentir le temps qu’imposent les entreprises du digital avec la foison des services dont nous pourrions inévitablement nous passer. Enfin, il y a cette séquence vidéo de Linda Sanchez dont le titre, 11 752 mètres et des poussières, nous décrit cette situation d’un presque rien. Car elle parcourt sous nos yeux une trajectoire que seul le hasard associé aux lois de la physique pourrait prédire. Quand, sur son chemin, elle embarque quelques poussières. Mais qui n’a pas un jour observé une goutte d’eau sur un pare-brise comme sur une paroi d’abris-bus. Si loin des centres d’art ou biennales qui se doivent, au travers de leurs curateurs et artistes, de nous réapprendre à observer le monde tel qu’il est pour mieux continuer d’en inventer les histoires de quelques possibles devenirs.

Exposition Les faits du hasard de Gilles Alvarez et José-Manuel Gonçalvès, du 9 décembre 2017 au 4 mars 2018 au Centquatre dans le cadre de Némo, Biennale internationale des arts numériques – Paris / Île-de-France produite par Arcadi.

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Phophets’ Time

Jean-Benoit Lallemant, Fundamentalism, Roughness 2, 2016.

Les nouveaux prophètes, aujourd’hui, ne sont que les interprètes de paroles computationnelles. Aussi, c’est avec la précision des machines qu’ils nous annoncent des mondes meilleurs depuis la Silicon Valley. Alors que Jean-Benoit Lallemant se contente de nous donner des lectures, relativement factuelles, du monde en ce début de XXIe siècle qu’André Malraux déjà envisageait mystique. Usant inévitablement des technologies de son temps, il les additionne aux matériaux traditionnels de l’histoire d’un art intégrant les découvertes comme les innovations pour en faire parfois la critique. Au point culminant d’un affrontement entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, il en évoque les dirigeants tout en initiant de possibles réflexions que les spectatrices et spectateurs de son exposition s’approprieront. Le territoire est une des problématiques centrales de son oeuvre qui se déroule au gré des évolutions sociétales dont les médias en réseau font écho. Mais il nous apparaît à la connaissance en profondeur des pièces qui jalonnent le travail de Jean-Benoit Lallemant, qu’il est aussi question de la relation du visible à l’invisible. Quand le contrôle doit faire face à la fuite et quand les initiatives se retournent d’elles-mêmes contre celles ou ceux qui les ont mises en place. Son travail plastique aux composants qui s’entremêlent inextricablement nous révèle la complexité du monde. Les données qu’il extrait de serveurs, en se les appropriant, nous permettent de le visualiser autrement et selon des points de vue résolument contemporains.

Exposition Phophets’ Time de Jean-Benoit Lallemant du jeudi 9 novembre au samedi 23 décembre 2017 à l’Espace Julio Gonzalez d’Arcueil dans le cadre de Némo, Biennale internationale des arts numériques – Paris / Île-de-France produite par Arcadi et dirigée par Gilles Alvarez.

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De la BIAN à Nuit Blanche

Ben Frost, The Centre Cannot Hold, 2017 – Guillaume Marmin & Jean-Baptiste Cognet,
Walter Dean, 2017 – Seb Brun, Parquet, 2017 – Children of the Light, Église Saint-Merry, 2017.

La Biennale Internationale des Arts Numériques Nemo est de retour au Trianon pour son lancement. En ce début du mois d’octobre, son directeur artistique Gilles Alvarez ne nous annonce pas moins de 130 événements. Quant au thème, la sérendipité, c’est Pascal Lièvre qui se charge de l’expliciter au travers d’une chorégraphie participative aux allures d’aérobic. Le ton est donné quand nous éprouvons physiquement la complexité d’une notion qui est apparue au Royaume Uni au siècle des Lumières. Il y est inévitablement question d’accident. Et le guitariste Julien Desprez d’en accueillir avec sagacité dans sa mise en relation des sons et lumières qui lui échappent pendant sa performance Acapulco Redux. Cette relation du son à la lumière est encore centrale lorsque l’artiste Guillaume Marmin, littéralement, scanne la salle de concert avec le musicien Jean-Baptiste Cognet. Ensuite, les corps se libèrent aux rythmes du groupe Parquet qui, sur scène, se forme autour de son batteur Seb Brun. Avant que les corps de nouveau, et avec une relative étrangeté, ne s’immobilisent dès les premières notes étirées du compositeur australien Ben Frost. Quand le public nous apparaît captivé et que la relation qu’il entretient avec le performeur relève de ce que les psychologues nomment le syndrome de Stockholm.

La Biennale Némo étant lancée, elle s’insère dans la Nuit Blanche au travers de l’installation sono-lumineuse du duo néerlandais Children of the Light à l’église Saint-Merry. Immergeant le lieu de culte d’une fumée blanche, les deux artistes en éradiquent toutes les formes de représentation. Quand la lumière est blanche, c’est aux peintures d’église du XVIIe siècle de Saenredam que l’on pense. Il y en a d‘ailleurs quelques-unes au Louvre, non loin de là. Mais lorsque, en des mouvements de va-et-vient, la lumière se colorise, cela évoque davantage les ambiances que Marian Zazeela n’a cessé de concevoir pour La Monte Young. Quant au public, n’ayant plus d’images pour accrocher son regard, il baigne dans l’atmosphère d’un divin sublimé.

 

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Scopitone

– SoKanno + yang02, Semi-senseless Drawing Modules, 2014
– Flavien Théry, Inverted relief (The Candor Chasma’s flying carpet), 2017
– Couch, Tracing Sites, 2017 – Samuel St-Aubin, Riz instantané, 2017.

Scopitone est un festival de rentrée dont la programmation est assurée par Cédric Huchet scrutant, en constance, notre monde digital pour y repérer les installations ou performances qui, ensemble, font sens. Du 20 au 24 septembre 2017, cette seizième édition propose un parcours allant de la vieille ville de Nantes à son Île résolument culturelle où une peinture abstraite est exécutée par un robot. C’est donc à quelques pas du Stéréolux et plus précisément au Mediacampus que les artistes japonais SoKanno et yang02 ont paramétré une machine afin que, seule, elle dessine une gigantesque fresque au fil du temps. D’une relative lenteur et s’inspirant des événements comme de l’évolution de l’état de son environnement immédiat, sans relâche, elle dessine car elle a été programmée pour ça, uniquement pour ça. Les artistes eux-mêmes, étant relégués au rang de spectateurs, ne savent que peu de choses de la réalisation murale de Semi-senseless Drawing Modules qui se profile.

Il y a trois expositions au château des Ducs de Bretagne, dont une monographie dédiée au travail de Flavien Théry. Le titre de l’œuvre Inverted relief (The Candor Chasma’s flying carpet), sous la forme d’un tapis, nous renvoie à la découverte par la sonde Mars Global Surveyor d’un canyon que seule l’eau aurait pu creuser en des temps anciens. Et il convient, pour vivre pleinement l’expérience, de s’équiper de lunettes anaglyphes afin d’en éprouver les reliefs qui, littéralement, s’élèvent. L’image originelle de ce monde flottant nous est innévitablement parvenue dans sa forme numlérique durant que sa texture de fils nous évoque le métier que Jacquard inventa en 1801. Celui-là même que l’on pouvait programmer en utilisant des cartes perforées, véritables ancêtres de tous des langages que comprennent nos machines contemporaines.

Continuons notre parcours en descendant la Tour du Fer à Cheval d’un étage pour découvrir la réactivation d’un paysage par les membres du collectif Couch basé à Yokohama. Intitulée Tracing Sites, l’installation vidéo est incurvée pour mieux nous immerger dans l’image qui, lentement, défile sous nos yeux. On devine des écrans, mais à l’étrange résolution qui résulte, selon la médiatrice, d’un procédé induisant la captation d’une projection. Le sujet, l’île de la Jatte, nous évoque Georges Seurat, le père du pointillisme, qui a immortalisé ses impressions lors d’Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande Jatte (1884-1886). Notons à ce propos que c’est notamment à sa découverte de la Loi du contraste simultané des couleurs énoncée en 1839 par le chimiste Chevreul que le peintre impressionnisme inventa la technique du pointillisme. La relation de l’art aux sciences compte parmi les tendances qui se dégagent de cette édition du festival Scopitone.

Enfin, c’est avec cinq machines autonomes que le Québécois Samuel St-Aubin a investi le Passage Sainte-Croix. L’une d’entre elles semble provenir de l’industrie ou ses congénères, à longueur de journée, trient. Intitulée Riz instantané, elle réorganise des grains de riz que l’artiste a aléatoirement disposé sur un support. D’une délicatesse extrême et renseignée par un dispositif de reconnaissance de formes, elle les saisit les uns après les autres pour les aligner compulsivement sur un autre support. Tout ça pour ça ! Car le lendemain l’artiste reviendra pour réinjecter du désordre que la machine éradiquera toute une journée durant. Y aurait-il un autre espace que celui de l’art, où des machines résolument inutiles ne seraient appréciées que pour les questions qu’elles soulèvent ? Et pourrions-nous encore, face à une telle représentation des tâches répétitives qui nous aliènent, nous méfier encore des machines qui nous en libèrent ? Cela encouragerait à repenser intégralement l’organisation de nos sociétés au fur et à mesure de leur inexorable numérisation !

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